10.10.2000 - Le Mouv'
(retranscrit par Lutin Noir)

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Interview Brian Molko


Brian Molko :
" Bonjour je suis Brian Molko et je joue dans un groupe rock'n'roll qui s'appelle Placebo ".

PREMIERE PARTIE

Voix off féminine :
Il est dans Le Mouv' ce soir Brian Molko, il est dans Le Mouv' avec vous. Brian Molko évidemment pour un mag musique consacré au groupe Placebo.
Placebo c'est 3 albums: un premier qui s'appelait tout simplement Placebo, Without You I'm Nothing, et puis aujourd'hui évidemment on fête dignement la sortie de Black Market Music 3ème album du groupe, en bacs, en tous cas dans les bacs depuis hier.
Interview donc de Brian Molko pour retracer un petit peu son parcours par exemple personnel.
Brian Molko au micro de Matthieu Culleron.

Matthieu Culleron :
Tu parles français pour la bonne et simple raison que tu as fait tes études aux Luxembourg. Je crois que cette période-là le Luxembourg c'était pas une très bonne période pour toi.

Brian Molko :
Ben y'a du négatif, y'a du positif. J'ai eu une enfance assez, je dirais un petit peu douloureuse, difficile, et une enfance assez solitaire. Et je pense que Stefan aussi. Lui aussi il a grandi au Luxembourg. On était à l'école ensemble, mais on n'était pas potes, on se parlait pas.

Matthieu Culleron :
Ça c'est assez bizarre, ouais, vous vous êtes rencontrés par la suite.

Brian Molko :
Ouais par la suite. Euhm mais le fait que y'avait pas beaucoup, y'avait pas beaucoup qui se passait au Luxembourg, ce que je faisais, j'achetais des disques, j'achetais des CD et je m'enfermais dans ma chambre à coucher, j'écoutais de la musique et j'essayais d'apprendre la musique. C'est exactement le même truc qui s'est passé avec Stefan. Alors c'est un p'tit peu, c'est ça le coté, le coté positif de grandir dans un endroit un p'tit peu chiant.

Matthieu Culleron :
Est-ce que cette période justement l'adolescence qui est une période un peu charnière où on se cherche etc, est-ce que finalement c'est ça qui t'a inspiré où tu t'es dit je veux devenir musicien, est-ce que justement cette angoisse fait qu'on peut se trouver une voie, une carrière ?

Brian Molko :
Eh bien, au début je voulais toujours être acteur, depuis l'age de 11 ans j'ai commencé à faire des pièces à l'école. J'allais à Oxford l'été pour prendre des cours d'art dramatique. Et quand j'avais 17 ans j'ai quitté le Luxembourg et je me suis inscrit à l'université de Londres pour apprendre les arts théâtrales.
Mon focus a beaucoup changé pendant que j'étais au collège, mais y'avait rien qui se passait au Luxembourg, c'était le fait qui m'a poussé pour de me casser de là pour trouver une grande ville pour voir les grandes lumières de la grande ville.

Matthieu Culleron :
Et cette ville-là c'était Londres.

Brian Molko :
C'était Londres, ouais, et ça aussi je pense parce que euh mes, mes parents ne voulaient pas que je fasse une vie artistique. Ils me poussaient dans beaucoup d'autres directions que ça m'a forcé à un age très très jeune à trouver mon identité et ça m'a forcé à prendre des décisions très jeune. C'était le début pour que je puisse me retrouver ici. Mes parents me tiraient dans plusieurs différentes directions et ça m'a forcé à devenir, à chercher mon identité à un age très très, très très jeune.

Matthieu Culleron :
Ils te tiraient dans quelles directions ? Des voies plus communes : avocat, médecin ?

Brian Molko :
Ouais mon père voulait que je sois businessman et ma mère voulais que je sois fils de Jésus. (rire)
Je pense que je suis devenu tout ce que mes parents ne voulaient pas que je devienne.. (rire). Alors c'est un petit peu leur faute (rire).

Matthieu Culleron :
Est-ce que justement cette rébellion dès le départ par rapport à tes parents ou…
Est-ce que cette rébellion ça t'a servi dans la musique ? Est-ce que tu t'es basé aussi là-dessus pour créer et composer ?

Brian Molko :
Ben quand j'ai quitté le collège, quand j'ai quitté l'université à Londres j'ai décidé que ce que je voulais vraiment faire c'était, c'est d'être dans un groupe rock ; et je me suis dit que j'allais pas trouver un job jusqu'à ce que je signe un contrat de disque. Alors j'ai passé 2 ans et demi au chômage et je vivais dans le ghetto de Londres. Et c'est là où les idées pour le premier album sont nées. C'était un p'tit peu un mélange de l'anxiété de l'adolescent que j'avais beaucoup, cette frustration que j'ai apporté avec moi du Luxembourg, et c'est aussi, l'autre partie du mélange c'était la déprime du ghetto, c'était le désir de changer sa vie, de sortir de ce trou. Ouais, de changer sa vie, bref. De, de, de chasser son rêve.
Alors je pense que ces deux périodes là ont été très importantes pour moi, parce que ça m'a formé, ça m'a donné " the drive ", la puissance pour chasser le rêve.
Mais un autre truc très positif avec le Luxembourg c'est que j'ai grandi entouré de plusieurs nationalités à cause de la communauté européenne et le Parlement et tout ça, et ça m'a appris ça m'a donne un esprit je pense un p'tit peu cosmopolite, continental toujours, et je suis " I'm thankful for that ", je pense que ça c'était très positif pour moi. ça m'a donné une sensibilité assez européenne depuis que j'étais très très jeune.


Voix off féminine :
Parcours perso de Brian Molko, leader de Placebo, qu'on va retrouver notamment évoquer ses deux camarades de jeu, Steve et Stefan. Ce soir Placebo à l'affiche dans Le Mouv' évidemment en musique aussi avec un extrait de ce nouvel album sorti hier Black Market Music, voici un single qui s'appelle Days Before You Came.

Diffusion de Days Before you came


DEUXIEME PARTIE

Voix off féminine :
Stefan, Steve et Brian Molko sont à l'honneur ce soir dans le mag musique du Mouv' pour évidemment décortiquer cet album, Black Market Music. Et puis tout ça sous fond d'interview de Brian Molko, le leader du groupe, l'énigmatique Brian, pour dire un p'tit peu androgyne, si si, si.
Brian Molko qu'on va retrouver pour surtout nous raconter un peu la rencontre avec ses deux camarades de jeu et surtout les influences musicales que chacun avait dès le départ au groupe.

Brian Molko :
Pour moi c'était plutôt je pense le rock alternatif américain, les Pixies, Sonic Youth, Jane's Addiction, Breeders, des trucs comme ça, Pere ubu, Patti Smith, Television.
Avec Stef son groupe préféré a toujours été Depeche Mode alors lui il a amené une sensibilité un p'tit peu plus électronique au groupe.
Et quand Steve est venu au groupe, il voulait mettre du funk dans le punk. Et lui il a beaucoup été influencé par la musique funk comme " slime the family stone " et le hip-hop comme Public Enemy, etc.

Matthieu Culleron :
À l'écoute de ce dernier album, on reviendra sur le deuxième album parce que là de retracer un petit peu le chemin. Ce nouvel album je pense prend de nouvelles directions justement tu parlais de Public Enemy. On retrouve des originalités comme un rappeur par exemple qui vient. Pourquoi, Pourquoi ça ?

Brian Molko :
Ben Pourquoi pas. c'est, on fait beaucoup de choses. C'est important pour nous qu'on développe comme musiciens, et on essaye des choses des fois seulement pour la raison parce qu'on l'a pas encore fait. Et on aime surprendre le public, notre public. C'était assez naturel pour nous parce que ça fait des années et des années qu'on écoute Public Enemy, on va jamais en tournée sans au moins un disque de Public Enemy avec nous qui joue constamment sur le tour bus.

Matthieu Culleron :
Lequel par exemple ?

Brian Molko :
C'est les 2 meilleurs, nos 2 préférés : c'est Fear of a black planet, and Apocalypse '91 : The Enemy Strikes Black. Ces deux là se sont nos préférés. Alors. C'était. Nous avons pas vraiment. Ce que je trouve est positif avec notre groupe c'est qu'on n'a pas une idée fixe de ce que est le son de Placebo. Euh alors on se censure pas de cette façon là. On a une réaction très, très émotionnelle et instinctive à notre musique et si ça sort de nous, si ça sort de notre âme et si ça nous branche tous les trois c'est une avenue qu'on veut suivre.
Avec Spite&Malice c'était intéressant parce que, euh, c'est une chanson qui s'est écrite. Ça a pris presque deux ans pour que la chanson s'écrive. Des fois je pense que c'est les chansons qui s'écrivent soi-même (tel quel dans le texte) et c'est pas vraiment toi qui les écrit. Et ça a commencé avec la boite à rythme, c'était quelque chose qu'on avait, c'était un loop qu'on avait quand on écrivait Without You I'm Nothing. Ça nous a fait pensé à une chanson qui s'appelle MacBeth de Sonic Youth sur le Check Honey Whity Album (?). Et on l'a gardé, et à cause de Can, le groupe allemand, on était intéressé de mixé la batterie live avec des boites à rythme. Et on discutait mais qu'est-ce qu'on va faire, et puis l'idée m'est tombée sur la tête (bruit genre il se tape sur la tête) : " on appelle Justin, et on va essayer du rap, ça va être super ". Je sais pas c'est comme si quelque chose est tombé du ciel comme dans les vieille, les vieux cartoon y'a un piano qui est tombé du ciel (rire) ouais (rire) sur ma tête et immédiatement j'ai pensé que ça allait marché parce que Justin, à part Chuck D., je trouve que y'a pas vraiment beaucoup de rappeurs qui sont très très littéraires. Et Justin est très célèbre, euh, le truc le plus célèbre, à part Spite&Malice, qu'il a probablement fait c'est Bug Powder Dust de Bomb the Bass, c'est une chanson qui parle de William Burroughs. Alors il a cette qualité littéraire, cette qualité intellectuelle. C'est pas. on savait très bien que Justin allait marché avec nous à cause du fait que c'était pas un rappeur qui, à la Puff Daddy (prononcer Pouf), à la Beaches'n'hose …, let me see your thong…, que il allait apporté quelque chose d'intellectuel à la chanson.
On a décidé cette fois de travailler avec d'autres gens sur l'album encore parce qu'on l'avait jamais fait avant. On a demandé Carolyn, Carolyn Finsh de Linoléum pour venir chanter des baking vocals sur l'album parce que j'avais l'idée qu'il était peut-être temps d'avoir une voix female (tel quel dans le texte) dans la musique de Placebo. On a travaillé avec Rob Ellis de PJ Harvey,

Matthieu Culleron :
le batteur

Brian Molko :
le batteur de PJ Harvey qui fait des arrangements pour violons et violoncelles etc… et ça se trouve dans le morceau caché Black Market Blood sur l'album. Alors c'était vraiment une période où on voulait essayer pleins de trucs qu'on n'avait pas fait avant. Euh et c'est pour ça que sont venues toutes ces collaborations.

Matthieu Culleron :
um um

Brian Molko :
Et c'était aussi du fait, le fait qu'on a co-produit cet album. Alors on avait beaucoup plus de responsabilités, c'était nous qui prenaient beaucoup plus de décisions.


Voix off féminine :
Et le fruit de toutes ces collaborations ça donne donc ce nouvel album Black Market Music qu'on découvre ce soir. Un nouvel extrait avant de retourner à l'interview de Brian Molko, voici Haemoglobin dans Le Mouv'.

Diffusion de Haemoglobin

TROISIEME PARTIE

Voix off féminine :
Le nouveau Placebo et on fête ça dans Le Mouv'. Évidemment avec interview de Brian Molko. Alors Placebo on les a découvert il y a quelques années avec deux gros tubes, avec 36 Degrees et puis surtout avec Nancy Boy, époque du premier album. L'album d'avant a explosé avec toute une flopée de singles, on notera notamment Pure Morning, You Don't Care About Us, y'en a eu plein d'autres qu'on a eu d'ailleurs l'occasion de vous jouer dans Le Mouv'.
Alors pression ou pas pression pour ce nouvel album Black Market Music ? Réponse de Brian Molko :

Brian Molko :
On savait que cet album devait être mieux que les deux autres ensemble (the two others put together). Euh, mais c'était pas vraiment une pression. On a une confiance en soi assez, assez forte. On arrête vraiment jamais d'écrire alors c'est pas un problème pour nous, on n'a pas des trous artistiques même quand on est dans le studio qu'on est en train de mixe, euh l'album Black Market Music, on était en train d'écrire des nouvelles chansons parce que vous êtes dans un studio et vous êtes constatement, constamment stimulé artistiquement, alors… Y'a toujours le matériel.

Matthieu Culleron :
La gestion du succès du deuxième album ça s'est fait tout naturellement, ou ?

Brian Molko :
Ben, parce qu'on est si proche de ça, on se rend vraiment pas compte des fois du succès. Et, ben, on a beaucoup appris très jeune dans notre carrière. On a eu beaucoup de chance, on a rencontré des légendes. Et c'est justement être dans la présence de légendes comme Bowie ou comme Bono ou comme Michael Stipe. Leur Présence elle-même t'apprend des choses.

Matthieu Culleron :
Bowie par exemple c'est un personnage qui t'a influencé, qui t'a marqué ? La rencontre t'a marqué ?

Brian Molko :
Bien sur. Et j'ai beaucoup de chance qu'il est devenu un ami, est devenu un ami du groupe et on reste encore en contact.
Et l'honneur d'avoir Bowie chanter un de tes chansons, une de tes chansons, c'est incroyable, vraiment.

Matthieu Culleron :
um. Il a écouté cet album ?

Brian Molko :
Oui. Il l'a déjà, ouais.
Ouais, j'ai pas encore eu sa réaction. Je lui ai parlé y'a quelques semaines le jour où son bébé est né pour le féliciter. Et après je lui ai envoyé l'album, alors j'attend encore sa réaction. Mais il va adorer. (rires). S'il a adoré Without You I'm Nothing y'aura pas de problème. (rires)

Matthieu Culleron :
(rires)
Euh, pour ce qui est de la phase d'écriture. De la phase d'écriture à la phase d'enregistrement ; on en parlait un petit peu tout à l'heure, pour cet album comment ça s'est passé ? Il se passe combien de temps entre les deux ?

Brian Molko :
Euhm. Ben c'était un p'tit peu comme une grossesse. Ça a pris neuf mois. On a commencé à écrire en octobre puis neuf mois plus tard le bébé est venu, est sorti (rires), et puis maintenant que le bébé est dans le monde, " we have not a lot of sleep at night ", on dore plus beaucoup à cause de ça.

Matthieu Culleron :
Pourquoi avoir choisi Taste in Men comme premier single à paraître ?

Brian Molko :
Euhm, ben c'est nous qui l'avons choisi. On savait toujours que ça devait être le premier single parce qu'on voulait créer un air de mystère sur ce qu'allait être Black Market Music. Alors on a choisi la chanson la moins représentative de l'album pour sortir en premier. Pour confondre un p'tit peu, pour créer du mystère, du mystique.

Matthieu Culleron :
Ouais. Quelle est selon vous la chanson la plus représentative de l'album ?

Brian Molko :
Oh, peut-être Special K.
Ouais, du punk-blondie.(rires).

Matthieu Culleron :
Revenons su Special K. déjà, y'a plein de gens qui savent pas à quoi ça correspond exactement.

Brian Molko :
Ben c'est. Special K c'est le nom street pour une drogue, la kétamine. Je l'ai pris une fois y'a 10 ans et, ils donnaient ça dans les années 1950 aux astronautes pour créer la sensation d'anti-gravité, et c'est vraiment comme ça que ce se ressent.

Matthieu Culleron :
Maintenant c'est un anesthésique pour éléphant quand même.

Brian Molko :
Ouais.(rires). Et je le recommande pas. c'est vraiment, une fois c'était assez. Mais, la chanson c'est aussi un thème qui court sur quelques chansons sur l'album qui compare les drogues à l'amour. Et sur Special K ça compare la montée, la montée sur une substance illégale à le sentiment qu'on ressent quand on tombe, quand on a un coup de foudre. Ils sont assez similaires. Mais la morale de l'histoire c'est que tout ce qui monte doit redescendre.

Matthieu Culleron :
La descente parfois est dure.

Brian Molko :
Absolument, ouais, très dure.

Matthieu Culleron :
Merci beaucoup.

Brian Molko :
De rien, avec plaisir.


Voix off féminine :
Merci en tout cas à Brian Molko pour cette interview. On se quitte avec Slave to the wage, le dernier single.