26 Juin 2003 - Double Je, présenté par Bernard Pivot
(retranscrit par Lucile)

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Bernard Pivot : Si on m’avait dit un jour que j’interviewerais le chanteur guitariste du groupe placebo, je ne l’aurais certainement pas cru (et vous non plus d’ailleurs). Et bien je l’ai fait, à Bordeaux, le jour du dernier concert de la tournée en France du groupe Placebo. Brian Molko, c’est son nom - et rien qu’à prononcer son nom, j’entends les cris d’amour et d’enthousiasme du public juvénile - Brian Molko est probablement le seul chanteur anglo-américain de rock à parler le français. Brian Molko.

(Le reportage débute avec comme bande son « The bitter end » et un extrait d’un concert.

Ensuite Bernard Pivot recueille les impressions des gens qui font la queue en attendant l’ouverture des portes du concert de Bordeaux).

Bernard Pivot : 8 heures d’attentes pour une heure et demi de spectacle, vous trouvez que ça vaut le coup?

Les jeunes présents : Oui oui, bien sur !

Un jeune homme : On est touché quoi quand on l’entend chanter en français…

Une jeune fille : La personnalité du chanteur, la musique…tout quoi… .

(Extrait du concert, Brian fait un petit signe à la caméra en chantant. On voit Bernard Pivot se déhancher sur la musique en coulisse)

Brian Molko : (montrant ses guitares à Bernard Pivot) Ma p’tite collection … de guitares.

Bernard Pivot : (les comptant) 1, 2, 3, 4, 5, 6…

Brian: …7

B. P.: 7!

Brian : Ouais. Et elles sont tous des femmes, et elles ont tous des noms.

B. P. : ah oui?

Brian : ouais ouais.

(Extrait d’un concert, « The bitter end » toujours).

(Bernard Pivot et Brian Molko sont installé sur la scène de Bordeaux où se déroulera le concert)

B. P. : Vous êtes né en Belgique d’un père américain et d’une mère écossaise. Alors êtes vous belges, américain ou ang… britannique.

Brian : Hum…ben j’ai un passeport britannique et un passeport américain aussi, mais ce qui est intéressant c’est que mon père est d’origine française et hum... d’une mère italienne, d’un père français et hum…né en Egypte. Alors ouais c’est…

B. P. : Ouais…et il y en a encore d’autres comme ça?

Brian : Hum ben non mon frère il est…né à New York.

B. P. : Vous êtes anglais et américain…

Brian: (rectifiant) Ecossais… (Rire)

B. P.: Pour vous c’est une différence?

Brian: Hum…ouais une grande différence.

B. P.: Laquelle?

Brian: Ben hum…

B. P.: Pour vous hein…

Brian: …Ben historique déjà…

B. P.: …oui mais pour vous en quoi c’est différent?

Brian: Je vis en Angleterre et… les anglais se foutent de la gueule des écossais tout le temps. Je me sens pas ni américain, ni vraiment britannique mais si on me force à trouver du patriotisme…

B. P.: …écossais…

Brian: …ouais, j’dirais écossais ouais…

B. P.: …ouais écossais…

Brian: ouais.

(Rire)

B. P.: Pendant la guerre en Irak, est ce que vous n’auriez pas préférez finalement être belge, luxembourgeois ou français plutôt que…

Brian: Pour moi ça à commencer quand j’ai vu les photos du transport des… hum… prisonniers apparemment terroristes…hum…talibans, de l’Afghanistan hum…en Amérique, a Guantanamo…ce camp de concentration… hum… j’ai vu des photos de ça, ça m’a écoeuré, vraiment vraiment écoeuré… alors j’ai commencer à pensé à redonner mon passeport américain puis ce truc avec l’Irak s’est passé, j’étais contre la guerre en Irak, je me suis dis : « si tu redonnes ton passeport, tu perds ta voix, sinon tu n’auras plus de voix, tu n’auras plus de droits de dire n’importe quoi ». Si c’est encore…si le passeport veut dire que c’est encore mon pays, même si je n’y ai jamais habité, j’ai encore le droit de dire des choses contre le gouvernement américain.

B. P.: Mais quand vous passez une douane vous n’avez pas plutôt envie, plutôt que de tendre votre passeport, de tendre finalement votre dernier CD?

Brian: (rire) Hum… c’est comme Oscar Wilde quand il est allé aux Etats-Unis et on lui demande «vous avez quelque chose à déclarer» il lui répond «rien que mon génie » c’est ça? (Rire) Hum…non ben…c’est plus facile pour moi quand on va aux Etats-Unis parce que moi je sors le passeport américain, moi je passe comme ça et puis le reste il passe une heure en douane alors (rire).

B. P.: Mais votre vrai passeport, c’est quand même votre musique…C’est ce que je voulais…

Brian: Hum…ouais c’est vrai, c’est vrai. Hum…ouais ben la musique c’est…c’est le langage international de l’émotion…alors…hum…ouais mais hum… les douaniers s’en foutent hein (rire)

B. P.: Oui mais parce que la musique… est ce que ça…enfin surtout la musique du rock, est ce qu’elle n’est pas une vraie transgression des frontières.

Brian: J’espère que si ouais…et…pff…l’anglais et devenu quand même aussi la langue de la musique.

B. P.: Vous voulez dire que universellement, intimement, historiquement la langue du rock c’est l’anglais. Et ça ne peut pas être une autre langue?

Brian: Hum… de la musique populaire je ne pense pas non. Ben… ça a commencé avec l’esclavage, aux Etats-Unis. Hum… et c’est là où le gospel, gospel music, a commencé, et c’est là où le blues est venu de ça, et c’est a cause du blues que le rock existe…

B. P.: Oui mais…

Brian:… ben en fait ça vient de l’Afrique…tout à commencer en Afrique essentiellement.

B. P.: Non mais estimez-vous qu’il peut exister un rock anglais, pakistanais, russe, japonais…qui n’utiliserais pas la langue anglaise.

Brian: Y’a …ça existe mais malheureusement ça se vend pas autant que…que la musique avec des voix anglaises.

B. P.: Est-ce que vous avez été tenté d’écrire des chansons, de rock, en français?

Brian: Mon français écrit n’est pas super…hum même à l’école, c’était pas super super…la lecture ça va. Mais pour moi c’est pas naturel d’écrire en français alors…

B. P.: Oui mais imaginez, pensez que…

Brian: On a fait des traductions, on avait une chanson qui s’appelait « Burger queen », qu’on a traduite en français. En ce moment on bosse sur une version française d’une des chansons de l’album, on va peut-être, si ça marche, sortir en 45 tours.

B. P.: Donc là vous pensez qu’il peut exister quand même une…une petite adéquation entre la langue française et le rock…

Brian: Ouais…il y a plein de groupes rock français que je respecte. Mon premier concert c’était un groupe…j’avais 11 ans, c’était à Arlon en Belgique, et c’était un groupe de rock français, Téléphone. Jean-Louis Aubert. Alors c’était une belle introduction aux concerts.

B. P.: Oui mais vous dites vous-même que ce rock, qu’il soit français ou d’une autre langue, il ne marche pas internationalement.

Brian: C’est parce que la langue anglaise est devenue la langue internationale.

B.P.:Oui, ne trouvez- vous pas qu’il y a entre le rock et la langue anglaise une sorte de consanguinité, une sorte de filiation intime qui exclue toutes autres langues?

Brian: Peut-être mais …j’me souviens qu’il y avait un vote… ils ont voté, le gouvernement américain quand…tout au début…hum…des Etats-Unis, ils ont voté sur quelle serait la langue officielle du pays. Et je pense que l’anglais a gagné par 2-3 votes sur l’allemand. Alors ça, ça aurait été intéressant…ça aurait été une différences…

B.P.: … Oui, vous chanteriez en allemand aujourd’hui…

Brian: Peut-être… peut-être tout le monde parlerait allemand… ouais.

B.P.: Mais est ce que la mondialisation par la musique et par le rock de (et de beaucoup) précédé la mondialisation par l’industrie et le commerce?

Brian: (il réfléchit) Waw. Précédé ?

B.P.: Oui.

Brian: Non, j’pense qu’elle a suivit.

B.P.: Vous pensez que ça a suivit ?

Brian: Oui. Et c’est dommage que c’est l’esclavage qui a…hum…crée…hum…la naissance du rock, avec le blues et le gospel mais…hum…c’était une situation affreuse… mais quand même en héritage on a quelque chose de splendide, de…

B.P.: Mais, n’avez-vous pas l’impression que le rock, et puis donc… attaché à la langue anglaise, participe de l’impérialisme américain…heu…et donc de la puissance culturelle américaine et donc de sa puissance politique ?

Brian: Le vrai rock n’ roll c’est le langage de la rébellion. C’est le langage de la contre culture, « counter culture ».

B.P.: Oui.

Brian: Alors…je pense pas du tout qu’elle participe à cet impérialisme culturel et politique américaine. Peut-être que c’est la seule chose qui…qui pourrait lutter contre.

B.P.: Vous croyez.

(Extrait de « The bitter end » toujours en concert).

B.P.: Mais cette contestation elle est récupérée, elle devient de l’industrie, elle devient du commerce, elle devient de l’argent.

Brian: C’est dommage que ça devienne de l’industrie, du commerce de plus en plus en plus. C’est quand les comptables commencent à venir les P.D-g des maisons de disques.

B.P.: Est-ce que Placebo, à votre manière et à votre échelon, vous ne participez pas justement de cette expansion américaine par la langue, par la musique, par l’argent ?

Brian: On a du succès en Angleterre, on reste un groupe culte aux Etats-Unis, mais c’est vraiment en Europe où ça déchire pour nous. Et ça c’est quelque d’intéressant. C’est plutôt la France, l’Allemagne, les pays méditerranéennes où on a vraiment le plus grand succès.

B.P.: Ouais vous vous défaussez un peu là, comme aux cartes… (Rires) Bon alors…

Brian: (riant) vous posez des questions assez…hum… assez profondes. (Rire)

B.P.: Bon alors. L’anglais, je suppose, est votre maternelle, votre langue paternelle. Vous avez passé l’essentiel de votre jeunesse, je crois, au Luxembourg, votre enfance.

Brian: Ouais, de l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 17ans et puis j’ai déménagé à Londres.

B.P.: Oui. Bon alors le français c’est une langue que vous avez apprise au lycée ?

Brian: Dès 6 ans j’ai commencé à apprendre le français. Bien sur j’ai grandit avec la télé française. J’ai grandi avec votre émission, avec « Apostrophe ».

B.P.: Merci.

Brian: …hum…avec « les enfants du rock », avec le cinéma français, les chaînes belges, les chaînes françaises. J’ai pas trop regardé les chaînes allemandes parce que je faisais le français à l’école alors j’comprenais moins. Mais c’était intéressant aussi au Luxembourg que la langue luxembourgeoise est restée un patois jusqu’à 1981 et là ils l’ont fait une langue officielle. Alors avant, à l’école, si tu…moi je suis passé par la maternelle luxembourgeoise, à l’école, avant 1981, les langues officielles du Luxembourg c’étaient le français et l’allemand, et c’est ça qu’on apprenait à l’école. Le luxembourgeois, c’était quelque chose qu’on apprenait dans la rue, mais maintenant, on enseigne les 3 langues.

B.P. : Mais vos parents parlaient combien de langues ?

Brian: Mon père, il parlait le français…ben il parle encore…il parle le français, l’anglais, l’italien et l’arabe.

B.P.: …oui…Et l’arabe !?

Brian: Ouais parce que…ouais, il est né en Egypte, et étant financier il faisait beaucoup de business et…

B.P.: Oui…et puis il parlait une autre langue internationale, c’est la langue de l’argent…puisqu’il est banquier…hein.

Brian: Ouais…ben j’pense que dès que je suis devenu adolescent c’était assez clair que j’allais pas le suivre dans cette voie-là ouais.

B.P.: Oui alors dans votre premier disque, dans votre premier CD, notamment vous évoquez vos révoltes d’adolescent. Ces révoltes, c’était contre qui, contre quoi?

Brian: Contre ma situation familiale probablement, contre la religion…parce que j’ai eu une enfance assez religieuse…

B.P.: le conformisme?

Brian: …l’homophobie, et ben cet album-là, je l’ai écrit pendant mes 2 ans et demi au chômage à Londres, après l’université, alors il est né, je suppose, de la déprime aussi. Ouais, c’était un exorcisme.

B.P.: Le jeune homme que vous étiez quand vous aviez 16-17 ans déjà en révolte, vous deviez être insupportable non?

Brian: J’étais très erratique…et ouais, j’avais beaucoup d’énergie, et j’étais assez « casse-cul »…on dit…

B.P.: … « Casse-cul »…

Brian:…ouais ouais…

B.P.: …en français on dit…

Brian: … « Casse-couille »

B.P.: « casse-couille » oui.

Brian: a ouais ouais, j’était assez « casse…

B.P. : Oui, et donc… . Oui alors vos parents devaient se dirent « mais quel étrange canard on a mis au monde » non ?

Brian: Ma mère était très religieuse, et mon père voulait que je rentre dans la finance. J’ai dû me rebellé assez jeune, et forgé mon identité à un très jeune âge, et j’ai dû trouvez une force en moi, une détermination, pour continuer, une sorte de foie aveugle en soi pour forger se truc…pour en arriver-là où on est maintenant.

B.P.: C’est l’énergie du rock !

(Extrait de « soulmates », la reprise rock de « sleeping with ghosts », toujours en live)

Brian: J’avais aucun endroit pour mettre toute cette énergie alors c’est peut-être pour ça que je l’ai retourné vers moi-même et que j’ai commencer à apprendre la guitare et écouter de la musique. Il y avait quand même des très bons disquaires à Lux.

B.P.: Aujourd’hui, quels sont vos rapports avec vos parents?

Brian: Nous vivons tous dans des pays différents. Toute la famille s’est séparée comme ça.

B.P.: Est-ce qu’ils sont fiers quand même de votre succès?

Brian: Je pense ouais, j’le pense.

B.P.: Mais ils vous l’ont dis ou pas ?

Brian: Hum…ouais, ouais, si j’les crois, c’est pas sur, j’suis pas sur si je les crois, mais ils me l’ont dit. Mais quand même, moi j’trouve c’est pas nécessaire qu’ils m’le disent parce qu’ils ne voulaient pas que je le fasse de toute façon.

B.P.: Oui

Brian: Alors…pour moi c’est une revendication un p’tit peu, un p’tit « fuck you » (il accompagne le geste à la parole) …pour eux…pour… « hey, vous vouliez pas que je fasse ça, regardez ! ». Si j’aurais eu un p’tit peu plus d’aide, imaginez ce que j’aurai put faire.

B.P.: Aujourd’hui vous estimez que vous êtes plus loin de la Banque ou de l’Eglise?

Brian: Plutôt de la banque parce que mon éducation religieuse m’a beaucoup donné même si je crois plus…en dieu. La Bible, que j’ai beaucoup lu, il y a des histoires magnifiques dedans.

B.P.: Elle vous a apporté votre esprit, votre sensibilité.

Brian: Oui, elle m’a donné un sens…du…un sens spirituel, mais aussi me donner beaucoup de métaphores et d’images pour utiliser dans la chanson.

B.P.: Ca a nourrit votre sensibilité

Brian: Ouais, exactement.

B.P.: Alors que la banque ne…ne lui a pas apporté grand-chose…

Brian: Pendant que j’étais à l’université, pendant l’été, j’ai bossé pour un mois, et je faisais du « shredding ».

B.P.: C’est à dire ?

Brian: Ben j’prenais les documents et j’les foutais au « shredder » et puis voilà. Et après 2 jours je m’amusais à dire « alors qu’est ce que je peux mettre dans le « shredder » aujourd’hui? Parce que hier j’ai mis du plastique alors… » et ouais, c’était comme ça, c’est tout ce que j’ai fait. Alors là, cette expérience n’était pas bonne pour moi du tout. J’allais même, ça m’écoeurais tant, que j’allais même me masturber sur leur temps. (Rire). Ouais, c’était pour moi…j’m’enfermais dans les toilettes et c’était « really really, I hate this, j’ai horreur de ça ». Et c’est ça, de se branler à la banque c’est une façon personnelle de dire « fuck you ». (Rires)

B.P.: Hum… Brian, j’aimerais qu’on revienne au rock. Si on peut répertorier les raisons historiques pour lesquelles le jazz a exprimé la révolte des noirs, est-ce qu’on peut aujourd’hui répertorier les raisons pour lesquelles le rock est selon vous une musique aussi de contestations et de révoltes ?

Brian: L’intolérance, le racisme, l’homophobie, le…les misogynes, et…hum…ouais, la haine religieuse aussi. C’est tous des trucs qui nous touchent personnellement d’une façon ou d’une autre de notre vie directement. On a tous souffert d’une intolérance ou d’une autre tous les 3.

B.P.: Vous avez souffert tous les 3 de…

Brian: Moi et Stef, à cause de notre sexualité, qui sont différentes.

B.P.: Votre sexualité, puisque vous l’abordez, c’est un « double je », vous êtes bisexuel.

Brian: Oui, oui c’est vrai.

B.P.: Un autre « double je » !

Brian: Ouais, ouais le meilleur des deux mondes dirai-je! (Rires)

B.P.: Vous connaissez le mot de Woody Allen, il l’avait dit un jour « finalement celui qui a le plus de chance de rentrer chez lui le samedi soir avec quelqu’un, c’est quand même le bisexuel ».

Brian: Je ne la connaissais pas celle-là. Il a aussi… ma préférée c’était… « Les 2 choses dans la vie, qu’on peu contrôler dans la vie, c’est l’art et la masturbation, 2 sujets sur lesquels je suis un expert ». (Rire)

B.P.: Et pourquoi votre groupe s’appelle-t-il Placebo ?

Brian: Hum…ben…on n’y a pas vraiment pensé.

B.P.: Ah bon ?

Brian: Non pas trop, pas trop. C’était plutôt le son. Moi j’pense que c’est important d’avoir un nom que tu peux imaginer 40 000 personnes en train de chanter en unisson alors : PLA-CE-BO PLA-CE-BO … ça marche.

B.P.: Pacebo, c’est un médicament qui est inutile, qui est neutre, qui est…

Brian: Oui exactement…

B.P.: Mais votre musique, vos textes, c’est tous sauf la neutralité, l’indifférence…

Brian: On cherche souvent un nom…quand on cherche un nom de groupe, on cherche un nom de génie et on ne trouve presque pas…presque jamais. Alors après avoir plusieurs noms, on se dit « c’est quoi le meilleur », c’est celui-la qui reste. C’est quand on est forcé d’y penser après. C’est quand les gens commencent à nous poser des questions comme celle-là qu’on commence à penser au coté déceptif, au coté médical. Mais, à l’âge de 20 ans…nous ça… (il claque des doigts) sonnait bien à l’oreille.

B.P.: C’était simplement de la musique.

Brian: Ouais, c’était, c’était…

B.P.: C’était un mot musical.

Brian: Ouais, un mot musical. Comme ça…

B.P.: C’est tout.

Brian: Et puis c’est devenu quelque chose d’autre à force de faire des interviews.

B.P.: Et vous considérez-vous comme un compositeur-chanteur engagé?

Brian: Mmm mmm…ouais, yeh, de plus en plus.

B.P.: Et vous le serez de plus en plus ?

Brian: J’espère ouais.

B.P.: Mais ça veut dire donc que vous voulez changer le monde mais… mais…

Brian: …non pas chan…je sais pas si…

B.P.: … un peu, un peu, peser sur le monde.

Brian: J’pense pas que la musique peut changer le monde mais si on peut changer les idées…les idées, d’une personne ou de plusieurs, on contribue…

B.P.: Mais changer les idées de deux ou trois personnes, c’est déjà changer un peu le monde.

Brian: Ouais… c’est le début. Et on espère qu’ils vont commencer à communiquer avec les autres, et qu’ils vont, après le concert, qu’il y aurait un échange avec eux et leurs potes, et que peut-être leurs idées changeront aussi.

B.P.: Oui. Mais, vous êtes pas déçu, comme beaucoup d’artistes, beaucoup de…pas seulement des chanteurs, des écrivains, des intellectuels etc… qui veulent changer le monde, et puis finalement, au bout du compte, on s’aperçoit que le monde change mais pas tout à fait comme ils le désireraient.

Brian: Ben…moi je trouve vraiment qu’on…qu’on est comme des dinosaures, vraiment, que le monde sera là après nous. Particulièrement si l’on continu à utiliser ce monde comme une poubelle. La mère nature, « mother nature », elle va pas supporter ça pour trop longtemps. On sera comme des dinosaures, et le monde continuera de tourné sans nous, sans les être humain, avec notre arrogance…incroyable. Elle est si grande qu’on pense qu’il n’y a pas même pas de vie sur d’autres planètes. Alors là c’est super arrogant. Mais bien sur qu’il y a de la vie sur d’autre planète ! It’s life, Jim, but not as we know it !

B.P.: Et vous pensez qu’un jour on pourra écouter Placebo sur une autre planète? Par des gens qui ne sont pas des hommes ?

Brian: Pourquoi pas, ouais. Il doit y avoir des civilisations qui nous regardent et qui voit cette planète primitive et qui se foutent de notre gueule « regardez les êtres humains, qu’est ce qui sont cons ! Et écoutez cette musique de merde qu’ils font en plus ! Placebo ? C’est quoi ça ?"

(Extrait de « Bulletproof cupid » en live toujours).

B.P.: Est-ce qu’il y a une différence entre le public français et le public anglais ?

Brian: A ouais, une grande différence… une très grande différence.

B.P.: Laquelle ?

Brian: Ben c’est l’émotion, c’est la passion. Le public anglais est plus réservé que le public français. Mais avec nous, dès le début, il y a toujours eu une histoire d’amour entre nous et le public français. Je pense que, parce qu’il y a un romantisme dans ce qu’on fait, un romantisme qui n’est pas sentimental, mais qui vient de la tradition des gens comme Baudelaire par exemple, et vous avez cette tradition littéraire, ici, en France, qu’on a pas… que les anglais n’ont pas vraiment eu. Vous avez eu Verlaine, Rimbaud, Baudelaire…les surréalismes, vous avez eu Sartres et Camu, des gens comme ça. Alors …quand même les anglais on eu Oscar Wilde mais c’est pas la même chose.

B.P.: Vous voulez dire que, si je vous ai bien compris, que le public français est plus rêveur, il est plus romantique, il est plus émotif, il est plus sensible que le public anglais.

Brian: Oui, absolument oui.

B.P.: Et comment ça se manifeste quand la foule est là (il montre en bas de la scène)? Quand vous êtes devant la foule, comment le percevez-vous ?

Brian: Ben…c’est un échange, un échange d’émotion, une connexion qui va au… qui est presque magique, qui va au-delà du physique. C’est vraiment quelque chose qui…hum…c’est un p’tit peu comme faire l’amour un p’tit peu. Des fois si le concert est vraiment bien, on se sent en train de faire l’amour avec 4 000 gens.

B.P.: Alors vous vivez à Londres.

Brian: oui.

B.P.: Pourriez-vous vivre à Paris ?

Brian: J’aimerais beaucoup vivre à Paris.

B.P.: Alors pourquoi ne le faite-vous pas ?

Brian: Hum…en ce moment c’est une question de temps, une question de fric…et moins il y a de temps pour le faire. Mais…si…ouais ouais, dans quelques années c’est très possible que ça se passe. J’aimerais beaucoup. J’ai beaucoup d’amis là-bas. J’ai rencontré beaucoup de gens, beaucoup d’artistes, beaucoup de créateurs. Et j’aime beaucoup la France. J’aime beaucoup les français. Et j’ai grandit avec la culture française alors ça c’est assez naturel pour moi. Alors ça serait pas pour les clubs ou les discothèques que je déménagerais à Paris, ça serait pour quelque chose d’autre.

B.P.: Quoi ?

Brian: Probablement le calme et hum…la langue, la littérature et une sensibilité différente.

B.P.: Merci Brian.

Brian: Merci Bernard (ils se serrent la main)… super.

(Extrait audio de « The bitter end »)

B.P. : On aura le plaisir de retrouver Brian Molko à la rentrée en septembre, au cours d’un concert exceptionnel à Bercy